Légalité du régime des aides à l’agriculture dans le cadre de la réforme de la politique agricole commune (PAC) : les requêtes des pruniculteurs corses rejetées.

Décision de justice
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Par un jugement du 14 juin 2018, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les requêtes présentées par 22 pruniculteurs corses qui demandaient l’annulation des décisions du ministre de l’agriculture leur notifiant le montant des aides allouées au titre de la campagne 2015.

Etait en débat la légalité du décret du 17 septembre 2015 pris en application du règlement européen n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 et fixant le régime des aides appelées « droits au paiement de base » (DPB). Ce décret, qui vise à mettre en place la nouvelle PAC pour la période 2015-2020, fait une distinction entre la Corse, pour laquelle l’application du nouveau système est immédiate, et la « région Hexagone », pour laquelle la mise en place se fera progressivement. Ce choix a été guidé par le fait que le nouveau système était jugé globalement pour les agriculteurs corses plus avantageux que l’ancien. Mais les 22 pruniculteurs corses, qui au contraire n’y ont pas trouvé avantage, ont contesté l’application du nouveau système qui leur a été faite dès la campagne 2015.

Sur la forme, le tribunal, faisant application pour la première fois de la jurisprudence d’Assemblée du Conseil d’Etat Fédération des finances et affaires économiques de la CFDT rendue le 18 mai 2018, a considéré qu’ils ne pouvaient à l’occasion de leur recours contre les décisions individuelles utilement invoquer des vices de procédure dont serait entaché l’acte réglementaire sur le fondement duquel elles ont été prises.

Sur le fond, le tribunal a estimé que le décret du 17 décembre 2015 a pu légalement fixer des modalités de convergence différentes entre la « région Corse » et la « région Hexagone ». Il a ainsi relevé qu’en se fondant sur les particularités géographiques et socio-économiques de l’agriculture en Corse pour fixer un plafond régional propre à cette région et un régime de convergence adapté, les autorités compétentes n’avaient pas méconnu les dispositions de l’article 23 du règlement européen relatives à la fixation de critères objectifs et non‑discriminatoires pour définir les régions. Et il a admis que l’application d’une convergence totale en Corse était proportionnée à l’objectif poursuivi de réduction des inégalités entre agriculteurs.

Le tribunal a également écarté la contestation des pruniculteurs qui invoquaient la méconnaissance du principe général du droit de l’Union européenne de confiance légitime, qui peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître, à l'occasion de la mise en œuvre du droit de l'Union, des espérances fondées. Les juges ont notamment relevé que les trois chambres d’agriculture de Corse avaient été averties, dès le début du mois de septembre 2014, de la mise en place d’un système de convergence immédiate des droits à paiement de base en Corse sans limitation des pertes. Les intéressés avaient été avertis par l’Office de développement rural de Corse (ODARC) au cours du mois de février 2015 du changement de système, soit près de cinq mois avant la date butoir fixée pour le dépôt des demandes d’aides découplées pour la campagne 2015. Et le 24 avril 2015, le ministre de l'agriculture avait publié sur internet une fiche explicative sur les paiements découplés précisant le régime de convergence totale appliqué en Corse tandis que, dès le 25 mai 2015, le site « Télépac » dédié aux demandes d’aides agricoles précisait également cette information. Les juges en ont déduit que les professionnels ne pouvaient avoir, en principe, une confiance légitime dans le maintien de l’aide découplée dont ils bénéficiaient jusque là ou dans la mise en œuvre d’un mécanisme de limitation des pertes à 30 % à l’instar du système mis en place pour la « région Hexagone »

Enfin, le tribunal a estimé que le principe d’égalité, qui ne s’oppose pas à ce que l’autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, et  le principe de non-discrimination n’avaient pas été méconnus. 

> Lire je jugement dans sa version simplifiée