Par trois jugements du 7 avril 2015, la première chambre du tribunal, présidé par M. Guillaume Mulsant, a, d’une part, rejeté les requêtes n° 11-533 et 13-1006 de la SNCM tendant à la condamnation de l’Office des transports de la Corse à lui verser une indemnité concernant la compensation du surcoût des combustibles au titre des années 2010 et 2012 et, d’autre part, résilié, à compter du 1er octobre 2016, la convention de délégation de service public relative à l’exploitation du transport maritime de passagers et de marchandises au titre de la continuité territoriale entre les ports de Corse et le port de Marseille, conclue le 24 septembre 2013 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement conjoint constitué par la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méridionale de Navigation (requête n° 13-938).
> Lire le jugement n° 1300398
I - Il a été fait droit à la requête présentée par la société Corsica Ferries France tendant à la résiliation de la délégation de service public conclue le 24 septembre 2013 entre la collectivité territoriale de Corse et le groupement conjoint constitué par la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méridionale de Navigation.
Le tribunal a retenu un premier moyen tenant à l’illégalité du motif retenu par la Collectivité territoriale de Corse pour rejeter l’offre de la société Corsica Ferries. En effet, il a estimé que la Collectivité territoriale de Corse ne pouvait rejeter cette offre pour le motif que la société Corsica Ferries n’avait pas déposé une offre globale et indivisible pour l’ensemble des lignes desservies dans le cadre de la délégation alors que le règlement de consultation n’imposait pas le dépôt d’une telle offre mais autorisait les entreprises à proposer des offres pour certaines lignes ou combinaisons de lignes.
Le tribunal a retenu un second moyen tenant à ce que la compensation prévue par la délégation de service public doit être considérée comme une aide d’Etat au sens de l’article 107 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne et qu’elle aurait donc dû être notifiée à la Commission, en application des dispositions de l’article 108 du même traité. En effet, d’une part, les paramètres sur la base desquels la compensation est calculée n'ont pas été préalablement établis de façon objective et transparente et, d’autre part, les termes de la convention sont tels qu’une surcompensation ne peut être exclue.
Enfin, afin de tenir compte de l’intérêt général qui s’attache à ce que soit assurée la continuité du service public des liaisons maritimes entre Marseille et les ports de la Corse et pour laisser à la Collectivité territoriale de Corse le temps nécessaire soit pour mettre en œuvre une nouvelle procédure de passation d’une convention, soit pour décider d’instituer des obligations de service public sur les lignes en cause, dans le respect des principes dégagés par le règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992, le tribunal a décidé que la résiliation de la convention ne prendrait effet qu’au 1er octobre 2016.
> Lire le jugement n° 1100533
> Lire le jugement n° 1301006
II - Les deux requêtes indemnitaires présentées par la SNCM ont été rejetées sur les deux terrains de responsabilité choisis par elle.
En premier lieu, le tribunal a rejeté les conclusions des requêtes fondées sur l’application des clauses de la précédente délégation de service public conclue entre la Collectivité territoriale de Corse et la SNCM. En effet, il a estimé que celles-ci devaient être écartées dès lors que cette délégation était illégale dans la mesure où, d’une part, le service complémentaire prévue en période de pointe ne saurait être regardé comme répondant à un besoin réel de service public au sens du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 et où, d’autre part, la Commission a décidé que les compensations devant être versées en application de la convention de délégation de service public, au regard des capacités supplémentaires à fournir en période de pointe, n’étaient pas compatibles avec le marché intérieur. En application de l’article 288 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, une telle décision est obligatoire dans tous ses éléments et s’impose au juge national.
En second lieu, le tribunal a également rejeté les conclusions indemnitaires fondées sur l'enrichissement sans cause et sur la faute commise par la Collectivité territoriale de Corse. S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle, il a estimé que la SNCM n’établissait pas la réalité des préjudices invoqués.